Le premier maire de LOCTUDY (1790-1800)

    Le 10 février 1790, réunis en la chapelle de Porz-Bihan les membres de la nouvelle assemblée communale de Loctudy élisaient maire Pierre Alain Denis, recteur de la paroisse. Le même jour ils prêtaient serment de « maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de bien remplir leur fonction tant que la religion catholique le leur permettra ».

    Cette élection constituait la mise en application du décret de la constituante du 22 septembre 1789 qui créait outre les départements, les districts et les cantons « une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse et communauté de campagne ». Au plan de l’organisation, si ce n’est l’élection d’un maire, le changement paraissait limité : la commune succédait à la paroisse et l’assemblée communale prenait la place du «corps politique» composé de douze délibérants, de deux syndics et de fabriciens. A cette époque où le spirituel et le temporel se mêlaient intimement, cet organisme représentatif, qui siégeait sous la présidence du recteur et en présence d’un sergent féodé du baron du Pont, le sieur Le Gentil de Rosmorduc de Kérazan, avait pour mission de répartir et de récolter les impôts directs, de lever les hommes pour les milices et de désigner les personnes participant aux corvées sur les routes. L’entretien de l’église et du cimetière faisait partie d’une action administrative relativement sommaire.

    Actuellement au moment où les structures territoriales évoluent (création des communautés de communes, de pays, émergence des régions), il paraît utile de rappeler comment était organisé notre territoire sous l’ancien régime.

    A Rennes, capitale de la province, le roi était représenté par un gouverneur depuis 1532 et par un intendant (ancêtre des préfets) depuis 1689. Toutefois la Bretagne avait conservé en exécution du traité d’union de 1532 certaines franchises (droit de voter les impôts), des états (sorte de conseil régional) et un parlement de justice. Au plan local, à Pont-l’Abbé, un subdélégué représentait l’intendant et un receveur des devoirs encaissait les taxes indirectes perçues au profit des états de Bretagne.

    Mais l’homme le plus puissant du lieu était le baron du Pont qui régentait le pays bigouden et qui bénéficiait de multiples privilèges féodaux, dont le droit de haute et basse justice. Ce système inégalitaire avait fait l’objet de multiples critiques de la part des douze délibérants et des quatorze autres « manants » qui, lors d’une séance tenue le 7 avril 1789 en la chapelle de Porz-Bihan, rédigèrent les cahiers de doléances de Loctudy. Dans ce document ils réclamaient essentiellement l’égalité, la justice, la suppression des droits féodaux tout en se prononçant pour le maintien des droits et franchises de la Bretagne. La mise en œuvre de certains de ces principes, sauf le dernier qui n’a pas été retenu dans la nuit du 4 août, se traduit par une nouvelle structuration territoriale formée de la commune, cellule de proximité, du canton de Pont-l’Abbé où siège un juge de paix, du district de Quimper et le département du Finistère, tous deux dirigés par des directoires élus (les préfets ne seront créés que sous Napoléon).Si la commune succède à la paroisse, elle n’a pas le même assise territoriale. Elle perd les parties est de Pont-l’Abbé (cité qui possédait une communauté de villes depuis 1629) et de Plobannalec, son enclave de Plomeur (Langeriguen et Langougou) mais gagne le territoire de Saint Quido (aujourd’hui Larvor) prélevé sur la paroisse de Plonivel qui est dissoute. Mais cette nouvelle structure ne prendra véritablement corps qu’en 1792 : quant à la nouvelle paroisse, elle ne fonctionnera effectivement qu’en 1801 lors du concordat.

    Comme ce fut fréquemment le cas dans le diocèse de Cornouailles, le recteur Jean Alain Denis fut élu maire. Il était né à Quimper en 1734, fit ses études supérieures en Sorbonne où il décrocha une licence de théologie et fut ordonné prêtre en 1758. Après avoir exercé son ministère à Lennon, à Ergué-Gaberic, il fut nommé recteur de Loctudy en 1787. C’était selon sa biographie qu’a retracée le chanoine Le Floc’h dans le bulletin paroissial n°107 août-septembre 1977 un sujet de distinction en tout genre de mérites, excellent prédicateur (appréciation de l’évêque Conan de Saint Luc de Quimper). Il n’y a pas de trace de son action en tant que maire de Loctudy. Sans doute a-t-il poursuivi avec la nouvelle assemblée municipale, avec les officiers, avec le procureur, l’œuvre qu’il menait dans l’ancienne structure avec le corps politique de la paroisse. De plus son mandat fut bref, car un mois après son élection, le 19 mars il démissionnait comme les autres élus. La raison de ce retrait se trouve vraisemblablement dans la promulgation de la constitution civile du clergé qui allait à l’encontre de ses convictions religieuses, exprimées dans le serment prêté le 12 février. De ce fait il refusa d’adhérer à cette constitution et devint réfractaire. Mais il continua de servir en sa paroisse jusqu’en 1792 qu’il quitta après avoir rendu les comptes de l’église à la municipalité présidée alors par Michel Le Coader. Comme de nombreux prêtres insermentés, il fut exilé en Espagne : il résida pendant dix ans à Saint Jean de Compostelle en Galice. A son retour, il fut nommé curé de la nouvelle paroisse de Saint Corentin où il décéda le 5 avril 1804.

    Après l’épisode de son court mandat discutable, car il n’était pas dans la logique des nouvelles institutions qu’un même homme cumulât les fonctions de recteur et de magistrat municipal. Les maires de l’époque de la révolution s’ils n’occupèrent leurs fonctions que durant des périodes limitées eurent à régler les difficiles problèmes posés par les réquisitions des denrées et par les levées d’hommes pour l’armée. Il est vrai que c’était une dure époque de transition : la stabilité ne sera acquise qu’en 1800 avec la nomination de Jean René Furic de Kerguiffinan.