Alphonse de Penfentenyo [1843-1852] (21/01/1788 - 14/02/1874)

 

Est-ce un clin d’œil de l’histoire : au moment où est inauguré le dernier ouvrage du port, le quai Guy Laurent, notre bulletin consacre une rubrique à celui qui en fut l’instigateur.

L’existence d’Alphonse de Penfentenyo est particulièrement intéressante à découvrir, car il s’agit de la vie d’un homme né sous l’Ancien Régime (le 21 janvier 1788) et décédé à l’aube de la IIIème république (14 février 1874).

 

Son père, lieutenant de vaisseau, ayant émigré en 1791, il vécut à la ferme de Kerhervé jusqu’en 1800, caché et hébergé par la famille Quiniou. Au retour de ses parents, il ne parlait que le breton.

«Une myopie affligeante au dernier degré» l’empêche d’embrasser la carrière de son père. Il devient commissaire de marine et occupe divers postes à terre comme en mer. Bien qu’affichant des opinions favorables aux Bourbon, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1831 durant la Monarchie de Juillet. L’attribution de cette distinction à un partisan de Charles X suscite à Brest un véritable charivari. De plus, en 1832, à l’âge de 44 ans, il est placé en position de retraite et habite avec sa famille le manoir de Kervéréguen.

 

Après avoir été élu conseiller municipal, il est nommé maire le 14 novembre 1843 par le préfet du Finistère ; il a pour premier adjoint, Corentin Monfort, commerçant au bourg qui lui succédera en 1852. A l’époque, la commune, essentiellement agricole, compte 1600 habitants : aucun d’entre eux n’exerce la profession de marin-pêcheur.

 

Les grandes lignes de son action à la tête de la municipalité sont retracées dans la lettre, en forme de testament, qu’il a rédigée au moment de sa démission. Il a obtenu le classement de l’église comme monument historique et y a fait exécuter des travaux à hauteur de 7 455 francs pour la conforter. Il a créé la route rejoignant le bourg à Poulavillec en réalisant une chaussée dans l’anse de Porz-Bihan. Il s’honore d’être en 1848, à l’origine de l’édification de la première cale qui selon « ses prévisions deviendra un port important ». Le but recherché était alors de faciliter l’embarquement des pommes de terre, culture propagée par Édouard Le Normant, et véritable richesse de la contrée. Il rappelle qu’il a ouvert et fait procéder à l’entretien de vingt- cinq kilomètres de chemins vicinaux.

 

Le grand regret qu’il exprime, est de n’avoir pu doter la commune d’une « maison de charité », comportant une école de filles et un dispensaire. (Une école de garçons a été créée en 1837 et est installée, avec la mairie, dans l’ancien commerce Jourdren au bourg). Il se montre d’autant plus contrarié que Monsieur de Boisguehennec du manoir de la forêt avait fait donation d’un terrain et que le financement de cet investissement était bouclé. Il attribue cet échec à une campagne « de tromperie menée par deux ou trois individus qui ont dissuadé les conseillers municipaux de l’intérêt d’un pareil établissement ».

 

De l’analyse des registres municipaux, il ressort que les principales autres questions traitées pendant le mandat concernent :

- le fonctionnement de l’école des garçons dont l’instituteur est depuis 1843 Monsieur Galez (il est également secrétaire de mairie), fonctionnement financé par le budget municipal et par les contributions des parents (1.51 francs par les propriétaires riches et 1 franc par les fermiers). En 1851 le traitement du maître d’école s’élève à 613 francs.

- la police des six auberges et cabarets. Ceux-ci doivent « être fermés pendant les offices et ne pas accepter les vagabonds et les filles publiques ».

- les questions budgétaires : les comptes de gestion et les budgets sont tenus avec rigueur, une attention particulière est portée aux droits d’octroi sur les boissons qui constituent la principale recette de la commune (le montant du budget est de l’ordre de 4 000 francs.

- le « sauvetage du goémon d’épave, indispensable à l’amendement des terrains et qui ne peut être pratiqué que « du lever au coucher du soleil ».On a du mal à imaginer aujourd’hui la place qu’occupait ce cadeau de la mer dans la vie de la commune. De nombreux arrêtés sont pris pour réglementer son ramassage. Cela explique que Messieurs Le Normant et Le Bleis essuient un refus quand ils demandent l’autorisation de brûler du varech pour en faire de la soude.

- les procédures lancées contre Monsieur Le Bleis qui ayant obtenu la concession des marais de Brémoguer, malgré l’avis défavorable de la municipalité, s’oppose au classement des chemins vicinaux qui les traversent pour mener à Rénénal et à Kérinvarc’h.

- les nominations de gardes-champêtres, personnages incontournables de la vie communale qu’il faut quelquefois révoquer pour incompétence ou pour ivrognerie.

 

Par contre, son projet de démolition de la chapelle de Porz-Bihan, initié pour permettre l’élargissement de la route est rejeté par le préfet. Il estime alors en 1846 « qu’on regrettera plus tard d’avoir conservé un édifice onéreux et sans grande utilité ». A noter que ce point de vue n’a pas été partagé par son petit-fils, le général de Penfentenyo qui mènera une campagne active en 1935 pour le maintien de cette chapelle.

 

Diverses délibérations sont consacrées en 1847 au vote de crédits permettant de créer des chantiers d’entretien des chemins, pour donner du travail aux journaliers valides « durement éprouvés par l’éloignement de la récolte, la cherté des grains et des pommes de terre » (des émeutes de la faim ont éclaté à Pont-l’Abbé pour s’opposer au chargement de pommes de terre).

 

Particularité de l’époque, les personnes les plus imposées de la commune se joignent aux conseillers municipaux, pourtant élus au suffrage censitaire pour voter certaines dépenses. Effrayés par les barricades de la révolution de 1843, les conseillers votent « des fonds nécessaires à équiper deux ou trois volontaires prêts à voler au secours de la capitale et de sa garde nationale ». En 1850 ils sont favorables, pour améliorer les races chevaline et bovine, à la mise en place à Pont-l’Abbé d’un bon étalon percheron et à Loctudy de deux taureaux de choix du Pays du Léon.

 

Alphonse de Penfentenyo était estimé de son conseil, car celui-ci a attribué le 8 novembre 1850 une concession perpétuelle à une famille « qui habite la commune depuis l’an 1500 et qui a toujours été utile au pays ».

La cause de sa démission réside dans son opposition totale au coup d’état perpétré le 2 décembre 1851 par Louis Napoléon qui se proclame en un premier temps, président à vie, puis empereur. S’il s’oppose à lui, ce n’est pas par conviction républicaine mais par attachement à la monarchie légitime et institutionnelle des Bourbon...Cependant il entretient d’excellentes relations avec Joseph Astor, notable républicain dont il est témoin à son mariage en 1855.

 

En 1852, il se retire dans son manoir dont un des bancs, situé près de l’étang, était appelé la « mairie annexe » car il s’y entretenait fréquemment avec ses administrés.

 

Sources :

- « Une très ancienne famille de Bretagne » par Valentine de Penfentenyo

- Loctudy par Serge Duigou (Edtions du Ressac).

- Hier Loctudy par Mouezh ar Vro.

- Bulletin municipal 1970 – n°1 (partie historique rédigée par Louis Sébastien Guiziou).